Un ducat un peu spécial

Le 11 juin 1771, sur une berge de Podmokly, en Bohême, royaume des Habsbourg dont

Prague était la capitale, un certain Jan Koch trouve environ 7000 pièces de monnaie en

or, ainsi qu’un torque, le tout pour un poids d’une cinquantaine de kg.

D’abord prises pour des boutons de laiton, leur métal est rapidement identifié par les prêteurs juifs de la ville qui en informent les paysans. Le bruit se répand et, dès que possible, le prince Charles- Egon I de Fürstenberg confisque pour son usage personnel 4200 monnaies. Avec celles-ci, il fera frapper un millier de ducats, en 1772. Titrant 986 millièmes, elles représentent le nec plus ultra du monnayage de la principauté. Ces nouvelles monnaies sont très recherchées et, en vente, elles atteignent allègrement plusieurs milliers d’euros. Nous en présentons une en illustration. Podmokly, c’est la seigneurie de Pürgnitz des princes du Saint-Empire que sont les Fürstenberg depuis 1664. Mais qui a fabriqué les monnaies retrouvées ?

Deux jetons fautés à l’effigie de Bonaparte

Début 1796, Bonaparte a 26 ans et de très maigres états de services : le siège de Toulon, fin 1793 et la répression de Paris de l’insurrection royaliste d’octobre 1795, et pourtant, c’est Bonaparte que la République choisit pour l’Italie, uniquement par choix politique. Pour son premier commandement important, Bonaparte trouve une armée solide, fière et expérimentée, mais qui, hélas, manque de moyens et d’organisation. Et pourtant, en dix-huit mois de campagne, de la bataille de Montenotte le 12 avril 1796, à la signature du traité de Campoformio le 18 octobre 1797, Bonaparte conquiert le milanais et la Lombardie et force les Autrichiens à quitter la Sardaigne. Un exploit qui marque les esprits par sa rapidité et par le nombre de victoires. Le traité de paix de Campoformio modifia considérablement les frontières des états. L’Autriche conservait une partie de l’état de Venise et recevait l’archevêché de Salzbourg, mais devait céder à la France le milanais, Mantoue, Modène, les îles ioniennes, et, surtout la Belgique (Pays-Bas autrichiens). Ce traité prévoyait aussi de nouveaux statuts territoriaux pour l’Italie et le Saint Empire qui seraient réglés plus tard au congrès de Rastatt (9 décembre 1797-29 avril 1799). Les victoires du génial Bonaparte et la paix conclue à Campoformio lui valurent l’admiration d’une très grande partie de la population en France, mais, effraya aussi beaucoup de dignitaires de la jeune république. En son honneur, on frappa de nombreuses médailles et jetons à son effigie et cela tant en France qu’à l’étranger. Le portrait du jeune général français était très recherché en Europe, sauf en Autriche. Toutes personnes ayant sur elles des pièces à l’effigie de Bonaparte étaient aussitôt arrêtées.

suite dans le magasine 126

Albanie française

Les Normands n’ont pas seulement conquis l’Angleterre au XIe siècle… A la même époque des hors-la-loi, ou plutôt des bannis, ont conquis le sud de l’Italie. Militairement, la supériorité des tactiques normandes médiévales a été abondamment étudiée mais ce n’est pas notre sujet. Contentons-nous de rappeler qu’en même temps que se bâtissait l’Angleterre normande, se bâtissait le Mezzogiorno normand destiné à un long avenir puisque l’Italie du Sud, les Deux-Siciles, celle au nord du détroit de Messine et celle du sud insulaire qui garde son nom, vont garder leur indépendance jusqu’en 1861. En guerre contre tous leurs voisins, ils vont affronter l’Empire Romain d’Orient. Ici commence l’aventure française, dans la mesure où la Normandie est essentiellement une province française depuis bien des siècles.
Elle se répète avec les Angevins. Dirigés par une branche cadette de la famille royale française, eux sont d’une province entièrement française depuis plus longtemps encore et ils vont s’essayer sur la rive orientale de l’Adriatique aux XIIIe et XIVe siècles.
Plongée dans la nuit ottomane, l’Albanie n’entrevoit les lumières occidentales qu’au début du XXe siècle et des soldats français ne vont pas tarder à apparaître. L’Armée d’Orient débarque dans les Balkans et un simple colonel va proclamer une république indépendante avec l’aide de notables albanais.
Occupée par les Italiens à partir de juin 1939, l’Albanie va connaître une impitoyable et ubuesque dictature stalinienne, à peine sera-t-elle sortie des griffes italiennes (Victor-Emmanuel abdique de la couronne albanaise en 43) puis allemandes.
Pour l’anecdote, ces derniers avaient nommé un gouvernement fantoche dont le représentant le plus connu était un passionné de numismatique : Lef Nosi, fusillé en 46.
C’est dans le cadre d’un mandat international que quelques Français reviendront en 1997. Plus d’uniformes moutardes comme les Poilus d’Orient mais un béret bleu.
Honneur au premier de tous : Robert Guiscard, né dans ce qui est aujourd’hui le département de la Manche. Mécontent qu’une parente ait été refusée par l’empereur byzantin, ce comte d’Apulie va lui faire la guerre. Or, pour attaquer Constantinople, il faut débarquer d’abord de l’autre côté de l’Adriatique. Un seul port digne de ce nom à l’époque : Durres, alias Duras, alias Durazzo. Les Normands s’en emparent, mais il ne paraît pas que Robert Guiscard ait pris un titre pour sa nouvelle terre balkanique sur laquelle lui et son fils Bohémond vont rudement batailler pour tenter de s’y maintenir. Las, pas de prise de Constantinople et puis Bohémond va fonder, encore plus à l’Est, un Etat croisé sur la ville d’Antioche.
Un bon siècle et demi plus tard, c’est Charles d’Anjou, roi de Sicile, qui débarque à Duras. Il a pour objectif, lui aussi, la prise de Constantinople. Il a rallié un prétendant et doit, pour l’y conduire avec son armée, utiliser le port albanais. Ce Capétien, né à Paris où il réside parfois (dans l’actuelle rue du Roi de Sicile), prend le titre de Rex Albaniae en 1272. Ce royaume est un rectangle dont les coins sont Bar, Prizren et Ohrid (Ex-Yougoslavie) mais aussi Valona qui est dans l’Albanie du XXIe siècle.

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Les monnaies de l’Odyssée

Pour les nombreux lecteurs d’Homère, il est merveilleux qu’une telle aventure les subjugue 2800 ans après son écriture… Rappelons rapidement les périodes du monde grec, toutes avant notre ère, pré-hellénique de 2500 à 1600, mycénienne de 1600 à 1150 (voyage d’Ulysse), 1200 à 800 (vie d’Homère) les siècles obscurs, 800 à 500 Grèce archaïque, 500 à 400 classique et 330 à 50 période hellénistique.

Malgré les déboires d’Ulysse, qu’ils soient de sa faute ou par malfaisances, ce guerrier, marin, athlète fort rusé est un héros reconnu.

C’est pourquoi les pères de l’archéologie ont fouillé sur ses traces, c’est pourquoi les historiens ont tenté de retrouver son itinéraire et, enfin, c’est pourquoi nous nous sommes demandés quelles étaient les traces numismatiques ou trésoraires du divin Ulysse.

Il semblerait, tout d’abord, que son histoire ait été relatée vers 800 avant notre ère avec une action se déroulant trois ou quatre siècles auparavant. A la fin de l’époque mycénienne, donc (-1550 à -1200). Après avoir raconté la Guerre de Troie dans l’Iliade, Homère va faire le récit du retour du plus malin des vainqueurs, Ulysse.

Cet homme n’est pas un guerrier obscur, il est roi d’Ithaque, une île de la grande Méditerranée, cette « mer vineuse » où il va bourlinguer dix ans. Parti à la tête d’une flotte qui transporte ses soldats et son butin, il mettra une décennie à regagner son île, finalement seul et vêtu de haillons.

L’un des seuls à reconnaître le roi dans le clochard qui s’approche est son très vieux chien, Argos. Aveugle et perclus, l’animal renifle le maître qu’il a connu étant chiot. Cette scène est représentée sur le denier d’argent émis par Caiüs Mamilius Limetanus en 82 avant notre ère. Sa famille, la Gens Mamilia, prétendait descendre d’Ulysse, lui-même étant un magistrat mineur alors que des membres de sa parentèle avaient été consuls, mais il remplissait la fonction de tribun de la monnaie et avait fait frapper un revers évoquant l’ancêtre illustre.

Cependant, le roi d’Ithaque avait déjà été honoré et cela, sur son île. Ainsi, l’on trouve une monnaie émise un siècle et demi avant celle des Romains, par les Grecs et qui représente le buste d’Ulysse coiffé du pétase, le chapeau du voyageur, chez les Grecs.

L’histoire d’Ulysse est connue grâce à Homère, l’aède aveugle. Il est originaire de Chios, là où toute une communauté de conteurs prospèrera après lui. Appelés « Homérides » puisque descendants d’Homère, certains d’entre eux sont décrits par Hérodote. Leur manière de raconter a été retrouvée lorsqu’un Britannique est allé enregistrer les derniers conteurs des Balkans, dans les années 30.

Une partie du passé du roi d’Ithaque a été déterrée par Schliemann, ce passionné de l’Antiquité qui a cru aux récits d’Homère. Il a bien fait puisqu’il a confirmé l’existence d’une ville décrite dans un best-seller écrit 2700 plus tôt ! 

Il creuse sur le site de Troie, où il découvre l’« or de Troie », nombreux objets en métal précieux, qu’il identifie, à tort, comme le « trésor de Priam » alors qu’il sont sortis d’une strate ayant un millier d’années de plus que l’époque du déroulement de la Guerre de Troie décrite par Homère dans l’Iliade, précurseur de l’Odyssée. Cet or sera amené jusqu’à Berlin d’où les vainqueurs russes l’emportèrent, en 1945, au musée Pouchkine. Complètement oubliés, ces précieux témoins de l’histoire troyenne seront pistés lorsqu’un historien russe en découvre l’inventaire dans des archives muséales destinées à la destruction.

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Une mule coins de Guillaume 1er, roi de Prusse et empereur d’Allemagne

Une mule coins ou monnaie hybride, c’est une monnaie frappée avec des coins qui n’auraient jamais dû se croiser. C’est-à-dire une monnaie comportant un droit d’un type spécifique et un revers d’un autre type spécifique ou encore, un mélange de régnant, etc., les combinaisons sont multiples.

Ces monnaies sont issues le plus souvent d’erreurs commises par des ouvriers œuvrant dans les ateliers monétaires. Ces monnaies sont rares pour l’époque moderne, les contrôles qualité étant très stricts, en théorie ! La dernière mule coins connue est l’œuvre de la monnaie des Pays-Bas, sur son émission du ducat d’or de 2021, ayant croisé un coin de l’année 2020 ! (voir Monnaies & Détections n° 121, déc. 21- janvier 2022, page 25).
La monnaie ici présentée fut découverte en Belgique dans la collection d’un bijoutier montois. Cette collection fut acquise par un numismate très connu en Belgique, J. Druart, qui fit la découverte de cette mule coins non répertoriée dans les ouvrages numismatiques et qui semble être passée inaperçue pour l’ancien propriétaire de la collection !
Cette monnaie semble donc très rare pour n’être que découverte en ce XXIe siècle, la monnaie, une 20 mark or de Guillaume 1er, roi de Prusse et empereur d’Allemagne datée de 1889, sauf que Guillaume 1er était décédé le 9 mars 1888 à l’âge de quatre-vingt-onze ans.
Guillaume 1er, né à Berlin en 1797, roi de Prusse en 1861 et empereur d’Allemagne en 1861, succéda à son frère Frédéric Guillaume IV. Il se lance dans un grand projet, la reconstitution de l’armée de Prusse et il prit comme premier ministre Bismark, en 1864, il se ligue avec l’Autriche pour écraser le Danemark. La même année, l’hégémonie de la confédération germanique étant en jeu, Guillaume 1er se retourne contre son allié autrichien qu’il écrase à la bataille de Sadowa, en 1866. L’Autriche est exclue de la confédération germanique, et devient l’empire d’Autriche-Hongrie en 1867.
Guillaume 1er se tourne ensuite vers la France, qu’il rêve d’écraser à son tour. Son âme noire et damnée, Bismark, œuvre dans l’ombre et tend un piège à Napoléon III ; celui-ci ne prenant pas en compte les leçons reçues par le Danemark et surtout l’Autriche, fonce tête baissée dans le piège tendu, pensant à tort être en mesure de vaincre la Prusse. Grave erreur, la France après 5 mois de campagne est battue avec comme dessert pour la Prusse, Sedan et 80 000 prisonniers français et la capture de l’empereur. Viendra ensuite l’humiliant traité de Francfort et la perte de l’Alsace et une partie de la Lorraine. Et, comble de l’humiliation, Guillaume 1er fut couronné empereur d’Allemagne à Versailles ! La coupe est pleine, Bonaparte est destitué et prend la fuite en Angleterre.
Guillaume 1er restera l’homme aux 3 guerres et aux 3 victoires. Ces 3 guerres établirent l’unité allemande.

Guillaume 1er à Sadowan.

Guillaume 1er décède le 9 mars 1888, son fils Frédéric III lui succède mais décède lui aussi d’un cancer après 99 jours de règne. Le fils de ce dernier, Guillaume II lui succède le 15 juin de la même année.
Ainsi, l’année 1888 fut très particulière pour les ateliers monétaires de l’empire d’Allemagne qui virent trois empereurs se succéder et cela, en quelques mois seulement, d’où la probable confusion d’un ouvrier qui, changeant un coin cassé ou défectueux, commit l’erreur ayant donné cette mule coins.

Numismatique du vin

Puisque le vin est une culture, paraît-il, il nous a semblé opportun d’évoquer la numismatique de cette production sans laquelle, peut-être, nous n’aurions pas vaincu en 1918.

Il est sûr que les quarts et autre bidons, couramment trouvés en fouille ont forcément contenu du pinard, ce vin de guerre titrant 9° dont la ration quotidienne passe de 1/4 l en 1914, à 1/2 en 1916 puis 3/4 l en 1918. Censé tromper l’ennui et réchauffer les cœurs, il est moins dangereux que l’eau boueuse des tranchées et des trous de marmites. Il passe souvent par des récipients non détectables ceux-là : seaux en toile (à l’arrière seulement), litrons de verre ou dames-jeanne recouvertes d’osier pour le transport final. Il est à noter que l’adversaire n’est pas ennemi du vin puisque dans le texte « Vie quotidienne du soldat allemand dans la Grande Guerre » de M. Landolt, 2014, il est noté que « La bouteille de vin de type rhénane est omniprésente dans les positions allemandes ». L’auteur parle des fouilles des poubelles de tranchées toujours riches d’artefacts. Il faut se rappeler que le vignoble d’Alsace-Moselle fait alors partie de l’Empire Allemand tandis que celui de Champagne est assez largement ravagé par les combats et les pillages.

L’armée française doit acheminer 15 millions d’hectolitres de vin aux Poilus, pour cela elle a ses wagons-foudres qui montent vers l’arrière du Front, mais aussi les départements d’Algérie dont la production viticole est à peu près la même que la demande de guerre.

Choisissons d’évoquer ce vignoble perdu à l’époque où il va l’être, en l’année 1962. Celle-ci ne va pas seulement constituer la fin d’une société de type colonial (exode d’un million de Pieds-Noirs, disparition de trois départements), la fin d’un conflit (500 000 soldats sur place les plus fortes années) mais aussi, cette année-là comme l’aurait chanté un rapatrié (d’Egypte celui-là) va aussi nous voir perdre quelques sources d’énergie : les hydrocarbures du Sahara et le vin des exploitations bientôt confisquées.

La France a été, jusqu’à il y a très peu de temps, le premier producteur mondial de vin et cela malgré la perte des départements 9A, 9B, 9C. A eux-seuls les départements d’Algérie constituaient le quatrième producteur mondial dans les années cinquante.

Un papier-monnaie éphémère pour Bacchus l’immortel.

Les rarissimes monnaies françaises émises à Tournai

Découvrir une monnaie non retrouvée et recherchée depuis plus de 300 ans constitue toujours un petit évènement dans le monde numismatique. Cela fut encore le cas en 2021 où fut retrouvé, enfin, l’écu d’or au soleil de Louis XII (1498-1515), frappé à Tournai le 25 avril 1498.

Tournai, de nos jours située en Belgique, cette cité deux fois millénaire, fut la première capitale du royaume franc et livra l’incroyable tombe du fils de Mérovée, Childéric (le puissant à la guerre), et Clovis naquit en cette cité !
Cette cité à l’histoire mouvementée fut ainsi romaine, mérovingienne, française, anglaise, espagnole, autrichienne, hollandaise, allemande, pour finir belge !
Cette cité fut intégrée au domaine royal français en 1187 par Philippe II Auguste. Hélas pour la cité, sa position géographique, excentrée du royaume et enclavée en territoire étranger entre la Flandre et le Hainaut, attira sur elle nombre de convoitises !
Du point de vue monétaire, la cité avait déjà battu monnaie sous les Mérovingiens et les Carolingiens. La cité adopta un monnayage épiscopal à la fin du IXe siècle suite à la cession par Charles-le-Simple, en 898, du droit de battre monnaie à l’évêque Heidilon. Ce droit passa aux mains de la monarchie française et la monnaie de Tournai devint royale en 1294, sous Philippe le Bel. Elle monnaya ensuite pour les 11 rois suivants jusqu’à la fermeture de l’atelier en 1507 durant le règne de Louis XII.
Les archives signalent que l’atelier, une fois royal, fabriqua du numéraire en quantité. A l’époque, Tournai figurait parmi les villes françaises les plus importantes et son atelier afficha parfois une production qui surpassait celles de toutes les autres officines du royaume.
Malgré un contexte géographique très compliqué pour la cité sous Charles VI (1380-1422) et Charles VII (1422-1461), l’atelier monétaire fut fort actif. Les comptes dressés durant cette période témoignent qu’il fut battu 1 377 600 écus d’or et de grandes quantités d’argent, de billon blanc et de billon noir.
Pendant les règnes de Louis XI (1461-1483) et Charles VIII (1488-1498), des monnaies en or, argent, billon furent encore fabriquées en très grande quantité !
La production de l’atelier finit par devenir très faible sous Louis XII, l’atelier frappa entre le 18 juin 1498 et le 27 mai 1501 :

  • 15 000 écus d’or au soleil ;
  • 241 200 grands blancs à la couronne ;
  • 13 680 petits blancs à la couronne ;
  • 28 080 deniers tournois.

Durant les premières années de son règne, Louis XII continua le système monétaire de son prédécesseur. Il finit néanmoins par remplacer son écu d’or au soleil par un écu dit « aux porcs-épics », non fabriqué à Tournai, l’atelier étant fermé à cette date.
Ainsi, l’écu d’or au soleil de Louis XII semble être, non seulement, la seule pièce d’or que ce souverain fit frapper à Tournai mais aussi la dernière monnaie d’or française qui y fut émise !
La monnaie ici présentée constitue de facto l’unique exemplaire connu à ce jour (janvier 2022).
Cette monnaie fut découverte lors d’une vente en 2021 (V. Gadoury). Son état de conservation est excellent et proche de l’état de frappe. Cette monnaie a donc très peu circulé, et, encore une fois, on ignore tout contexte de la découverte ! Provient-elle d’un trésor ?, d’une boursée ?, une découverte isolée ?, où fut-elle découverte ?, en Belgique, en France, ailleurs ? Bref, le mystère plane, la loi de 2016 en France étant peut-être la raison de ce mystère. L’inventeur et/ou le propriétaire de cette petite merveille ayant tout intérêt à garder un maximum de discrétion et tout le monde le comprend, du moins nous autres prospecteurs ! (1)

Au pays du cochon à dents

Par trois fois les électeurs néo-calédoniens viennent de s’exprimer pour que leur territoire reste français. Le Caillou (plein de nickel) a des voisins. L’un d’eux a connu une situation quelque peu comparable et est devenu souverain. Il s’agit des anciennes Nouvelles-Hébrides, le lecteur nous pardonnera cette vilaine phrase car elle reflète une réalité.
De 1887 à 1980, cet archipel d’Océanie a été géré par un condominium franco-britannique. Cette situation est comparable à celle, présente, du condominium franco-néerlandais de Saint-Martin aux Antilles.
Qui dit Océanie, dit cocotiers et la noix de ces arbres apporte le coprah après intervention humaine. Aussi les Nouvelles-Hébrides se couvrirent de plantations de coprah, principalement détenues par des Français avec 90 contre seulement 10 britanniques en 1960. Il y avait d’autres productions, plus marginales comme le cacao, le maïs ou l’exploitation du bois de kauri. A cet égard, il convient de signaler la Aneytum Logging Company, une société forestière de Hagen et fils qui fit faillite dans les années 1950, après avoir exporté des grumes pendant 30 ans vers l’Australie. Lorsque les liquidateurs voulurent trouver quelque argent, ils s’aperçurent que la société forestière n’avait jamais été enregistrée. Tant pis pour les ouvriers au chômage et les fournisseurs et parfaite illustration du génie de l’administration qui ne vérifie que ce qu’on lui fournit sans se donner la peine d’investiguer.
Certaines plantations ont émis des jetons pour pallier le manque de petit numéraire mais surtout, comme dans toute entreprise à forte main d’œuvre, pour garder une clientèle captive dans ses propres magasins, buvettes et cantines. Une manière pour le patron de récupérer une partie du salaire donné à l’ouvrier.
La plus connue d’entre elles, pour plusieurs raisons que nous allons évoquer dans l’ordre, est celle de la famille Naturel. Cette plantation de Valesdir a fait fabriquer des jetons-monnaies en zinc étamé pour des valeurs allant de 3 pence à 1 shilling. Ils ne sont pas très jolis mais, au moins, n’ont pas la prétention artistique, à notre avis usurpée, des monnaies en francs du graveur Joly ayant cours officiel depuis les années 60 jusqu’à l’indépendance. Nous présentons en illustration l’une d’elles, pour une valeur de 20 Fr, fabriquée en nickel de Nouvelle-Calédonie.

Un shilling en zinc
de Valesdir.

Carausius, commandant, pirate et empereur du Nord !

Marcus Aurélius Mausaeus Valérius Carausius, digne nom latin à rallonge, masque en réalité l’origine ménapienne de l’individu né dans la région des Flandres actuelle de la Belgique.

A ses débuts, Carausius est pirate sur le Rhin. Il s’engage ensuite dans l’armée romaine, gagne du galon et grimpe dans l’estime de ses chefs, et se distingue lors de la campagne du co-empereur Maximien Hercule contre les Bagaudes. Lors de ces opérations, il est confronté à Gennebaud, un chef franc lorgnant sur les possessions romaines sur la rive gauche du Rhin.
En 285, en reconnaissance de ses états de services et surtout de son expérience et loyauté, Carausius est nommé commandant de la « flotte britannique », la flotte romaine de la Manche stationnée à Gesoriacum (Boulogne). Il est chargé d’éliminer les pillards et autres pirates, mais, plutôt que de les combattre, Carausius laisse Gennebaud et ses pirates écumer les mers et les eaux intérieures, à condition de prélever un gros pourcentage du butin. Il amasse ainsi un immense pactole qui lui permet d’acheter la fidélité de ses hommes. Cependant à Rome, Maximien, excédé par les manigances de son protégé, envoie quelqu’un pour le tuer. L’attentat échoue et Carausius se rebelle ouvertement. Avec le soutien de sa puissante flotte et celle des pirates francs de Gennebaud, il réussit à soulever les légions britanniques et gauloises de la Gaule Belgique, et se déclare empereur du Nord !
Le nouvel empereur auto proclamé fait tout pour obtenir la reconnaissance de ses « co-empereurs » à Rome, c’est-à-dire Maximien et Diocletien. Carausius fait même battre une monnaie aux trois bustes des « co-empereurs » mais en vain. A Rome, ils savent que l’unique co-empereur de Carausius c’est Gennebaud, « le roi des pirates francs sur les rives de l’océan ».

Aurélianus aux trois bustes, Carausius, Maximien et Dioclétien, et légende « Carausius et ses frères » !

Entre Rome et Carausius commence un bras de fer. Fin stratège, Carausius ouvre les hostilités et invite Gennebaud à s’établir sur l’île de Bataves et le pays de l’Escaut que les Francs pillent à tout va ! L’empereur du Nord fait ainsi coup double, il donne du fil à retordre à Maximien et bloque aussi l’embouchure du Rhin par où une flotte romaine pourrait venir le menacer.
Carausius lance aussi une invitation aux Saxons et aux Hérules qui déstabilise encore un peu plus la région en 287.
Maximien, privé de flottes et harcelé par les Barbares est contraint de tempérer. Il bât les Saxons et Herules, obtient la soumission des Francs, comme peuple fédéré, soumission très théorique comme le montre la suite des évènements ! Enfin, il fait construire une flotte et forme des marins sur le Rhin. En 289, il appareille triomphalement dans l’idée de mater le félon. L’expédition échoue pour cause de mauvais temps. Selon les sources romaines, en réalité, la flotte de Maximien, composée de novices, a essuyé une cuisante défaite face à Carausius et ses galères, et aussi face aux pirates francs de Gennebaud !

Les galères, symbole de la puissance de Carausius.

Trésors gothiques

Si les Ostrogoths concernent le sud-est de la France d’aujourd’hui, puisque ils ont régné quelques temps sur un territoire couvrant les Alpes-Maritimes, leurs cousins Wisigoths ont fait beaucoup plus long et vaste en Aquitaine. Cependant leur héritage est si oublié que l’écrivain J. Raspail ironisait sur une amérindienne visiblement blanche aussi éloignée d’après lui de ses ancêtres peaux-rouges que lui l’était de ses aïeux wisigoths…

Trémissis du roi wisigoth Léovigild au VIe siècle.

Chassés par les Francs de Clovis, les Wisigoths continuèrent de régner dans la Péninsule Ibérique, nous y reviendrons.
Comme de nombreuses peuplades barbares, les Goths (futurs Wisi- et Ostro-) ont été des auxiliaires militaires de l’Empire Romain décadent. Ils ont joué un rôle dans l’importante bataille contre les Huns qui accompagne le départ du Fléau de Dieu, Attila.
Souvent appelée “bataille des Champs Catalauniques” elle a eu lieu en 451. De l’année nous sommes sûrs mais les historiens ont rejeté le lieu et il conviendrait désormais de l’appeler “Bataille des Champs Mauriaques”.
Il subsiste dix-sept textes contemporains, ou quasiment, de cet affrontement dont neuf la situent. Ils ont trois auteurs gothiques, quatre francs ou burgondes et deux romains : Jordanès et le Continuateur de Prosper d’Aquitaine. Si Jordanès est le seul à citer les deux noms, Catalauniques et Mauriaques, c’est pour indiquer qu’ils désignent le même champ de bataille. Le Continuateur, lui, indique la direction par rapport à Troyes (Civitas Tricassium) et la distance en milles romains. Bingo ! Car à 7,5 km de Troyes dans la direction d’Orléans et près de l’ancienne voie romaine il existe une «contrée d’une étendue mal définie».
Elle s’appelle “Les Maures ”… Sur la carte d’état-major compulsée par M. Girard avant de rédiger son Campus Mauriacus en 1885, les Maures ont un lieu-dit, au centre, nommé le Château. L’auteur a enquêté et appris qu’une quarantaine d’années plus tôt, c’est-à-dire au milieu du XIXe siècle, on y avait trouvé des restes de murailles. Tout proche se trouve le village de Montgueux soit le Mont des Goths.La boucle est bouclée. Une fortification, des fédérés barbares, une toponymie révélatrice, un texte contemporain, tout converge vers les Maures comme lieu d’une bataille qui prolongea l’Empire Romain en Occident. Il ne manque que les pointes de flèches typiques des Huns, malheureusement il semblerait que les Champs Mauriaques n’aient jamais été investigués par les archéologues officiels…
Pas plus qu’ils n’ont découvert, ce qui est évident puisque l’archéologie institutionnelle n’avait pas été créée encore, le trésor de Pouan.
En 1842, un ouvrier agricole nommé Buttat trouve, à 80 cm de profondeur, des ossements et des objets en or. Il creuse derechef et, une fois ramassé ce qui lui semble avoir quelque valeur il le revend à un bijoutier de Troyes. Le commerçant est patient et il a raison car le nouvel empereur, féru d’archéologie, Napoléon III va tout racheter et il ne négocie pas les prix, lui. Nous sommes en 1858 quand Napoléon III fait don de la totalité de son récent achat au musée local qui s’était manifesté pour lui en racheter une fraction. La classe ! C’est pourquoi nous pouvons admirer un torque d’or de 84 g, un bracelet de 141 g, deux épées, un grenat cerclé d’or et une bague en or (40 g) portant le nom “Heva”. C’est un nom goth. Cette riche sépulture est donc gothe car nous ne pouvons pas suivre Mr Kazanski qui, dans son texte de 1982 (“Deux riches tombes de l’époque des grandes invasions dans le Nord de la Gaule”), estime que l’on doit conserver un doute : peut-être le défunt aurait porté une bague récupérée… Ceci heurte l’élémentaire bon sens, quel seigneur guerrier fréquentant des lettrés aurait emmené dans la tombe le nom d’un inconnu ?
A ce propos, Heva aurait été plus qu’un seigneur car dans “Sur le trésor barbare de Pouan” les auteurs, Mrs Solin et France-Lanord, assènent que l’« on peut affirmer qu’il s’agit d’un ensemble porté par un roi barbare, très vraisemblablement un Goth inhumé vers l’an 450. Il s’agit bien d’un roi car, à cette époque, une pareille richesse exige la qualité royale. »
Il est à signaler que sur le même site, en 1843, un autre terrassier a sorti un vase long et deux vases culinaires (sortes de marmites collectives en usage dans l’armée romaine).