MONNAIES ET DETECTIONS

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Monnaies et Détections

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Les cinq familles

Lorsque le Luxembourg est devenu grand (duché) il a, en fait, considérablement réduit. Des deux tiers… C’est pourquoi il existe après ce découpage frontalier né de la défaite de Napoléon I, un Luxembourg belge,un Luxembourg prussien et un Luxembourg français. Ce dernier est annexé un peu plus tôt que le belge puisque Louis XIV, ce grand amateur des terres voisines, avait raflé les paroisses luxembourgeoises, comme la cité de Thionville et leurs 60 000 habitants dont les descendants forment aujourd’hui le Luxembourg français. En 1815, l’est est laissé aux Prussiens tandis qu’en 1839 le royaume des Belges annexe formellement tout l’ouest.
Désormais largement amputé, ce territoire avait été donné au roi des Pays-Bas pour compenser la perte de quatre principautés allemandes (Siegen, Dillenbourg, Nassau-Dietz et Hadamar), de ses ancêtres, données à la Prusse dans la grande redistribution. Le titre de “grand-duc” lui permet d’être au-dessus de la plupart des autres membres de la Confédération Germanique, à laquelle le Luxembourg appartient désormais.

Le roi devient grand-duc du Luxembourg à titre personnel. C’est pourquoi la règle familiale s’applique et que son cousin à la énième génération devient grand-duc en 1890, tandis que le royaume se transmettra par les femmes.
Donc en 1815, le Luxembourg est confié à une nouvelle dynastie. C’était déjà arrivé lorsque la famille éponyme avait revendu ses droits à un Bourgogne. D’ailleurs ces “Luxembourg” du XVe siècle étaient en fait des “Limbourg” (un duché plus au nord, à l’histoire fascinante également).
Il y aurait donc cinq dynasties différentes régnant au Luxembourg depuis la fondation de cet Etat, au Xe siècle, par Sigefroid : Luxembourg, Limbourg, Bourgogne, Habsbourg, Nassau.

En réalité toutes descendent de ce chevalier-comte mort en 998 (ou 987, les historiens divergent).
La jeune héritière Luxembourg épouse un Limbourg et leur fils devient comte de Luxembourg en ce XIIIe siècle. La veuve “Limbourg-Luxembourg” rembourse une dette à son cousin Bourgogne qui devient duc (eh, oui le statut a augmenté en 1353) de Luxembourg en ce XVe siècle. La fille de Charles le Téméraire, quelques décennies plus tard, épouse un Habsbourg. Leurs descendants règnent jusqu’à l’occupation française en 1795.

Des prétendants français au titre.

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La Grèce

On sait qu’avant l’apparition du monnayage proprement dit, les Grecs du Péloponèse, et plus spécialement de l’Argolide, ont utilisé comme monnaie des broches à rôtir en fer, semblables à nos fers à brochettes actuels, les « obeloi ». Six obeloi pouvaient tenir dans la main formant ainsi une poignée ou « drachme ». C’est en effet l’étymologie probable du mot qui désigna, jusqu’à l’euro d’aujourd’hui, l’unité monétaire grecque.
Le monnayage véritable conserva ces dénominations, à cela près que le doublet « obole » fut généralisé (obèle gardant presque toujours son sens de broche) et maintint la division de la drachme en six oboles… montrant bien que ces fameuses « drachmes d’obeloi » étaient bien, à l’origine, d’authentiques proto-monnaies.
Les premières pièces de monnaies (en argent et en or) sous la forme actuelle sont, selon Hérodote, l’œuvre des Lydiens vers 650 av. J.C, plus tard, l’usage et la fabrication se répandront dans la Grèce entière.
Durant la période archaïque les pièces fabriquées par les Lydiens sont en électrum, un alliage naturel d’or et d’argent !

Sur l’île d’Égine on frappa les premières monnaies grecques, les fameuses tortues éginétiques qui perdurèrent en différents endroits de la Grèce pour le commerce.
Dès le début, on tenta de tricher en rognant des morceaux des pièces encore pas vraiment rondes… alors pour contrer ces premiers « escrocs » les monnayeurs se mirent à ajouter sur les pièces, des motifs, des décors et à imprimer un cercle autour, on n’était qu’au début de la monnaie « protégée » et plus tard les cités grecques émirent l’emblème de leur ville ou l’image des divinités la protégeant.

Durant la période classique, les pièces frappées au Ve siècle av. J.-C. Sont parmi les plus belles monnaies jamais réalisées. Plus tard, les Romains puis les Anglais et aussi les Français s’inspirèrent des modèles grecs.

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Belle-île-en-Mer

Vendredi 26 mars 9h30, port Haliguen Quiberon, sur la côte sud de la Bretagne. J’embarque avec armes et bagages à bord du navire « le Bangor » le seul navire de la compagnie Océane qui peut vous faire traverser avec votre véhicule, les autres navires ne prennent que des passagers et éventuellement un vélo…

Mes armes se composent, d’un fourgon pour y dormir avec des vivres pour une semaine et le plus important, mon détecteur de métaux et encore plus important, une solide gamatte. Je suis paré pour une semaine de grandes marées, coefficients de 112 au plus bas, ou au plus haut, comme vous voulez, mais moi ce qui m’intéresse, c’est la basse mer, pour aller chercher l’or perdu par les baigneurs imprudents et ils sont nombreux, à être imprudents… Le 112 de coef, sera pour le mardi 30 et au moins une dizaine de marées à plus de 90/95 me tendent les bras, reste a espérer que l’or, soit au rendez-vous.
Destination : Belle-île-en-Mer ! (1)

Bien protégée des vents dominants avec de nombreuses criques pour accoster et de hautes falaises pour voir les malfaisants approcher, Belle-île a servi d’abri très tôt. Un crâne humain daté du Néolithique y a été découvert dans une tourbière, il est exposé au Musée Dobrée de Nantes. À l’époque celtique Belle-île est la plus grande et la plus au large des 365 îles qui composent le golfe du Morbihan « dont la traduction est : petite mer ». Plusieurs monnaies gauloises y ont été trouvées, principalement des monnaies vénètes, Belle-île étant quasiment au centre de leur territoire, d’après les mémoires de Jules César, une bataille aurait opposé les Vénètes aux Romains, sur Belle-île, mais ça reste à prouver… Plusieurs éperons barrés et quelques tumulus ont été localisés. Quelques sites d’occupation romaine sont connus, mais là encore, rien d’extraordinaire.
À partir du Xe siècle, les Vikings souvent surnommés localement les Saxons, font de Belle-île leur base arrière pour aller piller un peu partout sur le continent, les nombreuses sources d’eau douce en font une place de choix. Et sur Belle-île-en-mer, on peut voir de nombreuses criques qui rentrent très loin dans les terres, des langues de mer ou de sable à marée basse, qui serpentent entre de hautes falaises et qui rappellent les fjords de Norvège, ce qui devait bien plaire aux Vikings. Pendant deux siècles et demi, Belle-île sera un repaire de vautours des mers !
Après l’annexion de la Bretagne par la France en 1532, les rois de France vont s’intéresser de plus près à Belle-île ; en 1567 Belle-île est pillée une nouvelle fois par les Espagnols, ça commence à bien faire ! En 1572, Henri II convainc les moines de Quimperlé qui possèdent toujours l’île, de la céder à Albert de Gondi, un riche militaire qui va construire les premières fortifications de l’île. Un fort voit le jour au-dessus du « Palais » l’actuelle citadelle, ce fort va assurer la prospérité de l’île pendant un siècle.
Mais rien ne dure, en 1658 les héritiers Gondi sont à sec et mal vus du cardinal Mazarin, qui est aux affaires, les Gondi sont forcés de vendre Belle-île au surintendant des finances du Roi Louis XIV, le célèbre Nicolas Fouquet ! pour la somme d’un million quatre cent mille livres. Fouquet renforce les fortifications, il commencera même la construction d’un beau manoir, de nos jours en ruine, qu’il n’aura pas le temps d’habiter ; deux ans plus tard, en disgrâce à son tour, Nicolas Fouquet est emprisonné. La légende dit qu’il aurait eu le temps de cacher une partie de son énorme fortune sur Belle-île, un trésor jamais retrouvé, ou pas déclaré… Une petite plage de l’île porte son nom : le port Fouquet, juste en face de la pointe de Quiberon, c’est la distance la plus courte à vol d’oiseau pour rejoindre l’île, et elle est à mon programme, on ne sait jamais…

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Un pays qui se rétracte, constatation par la numismatique

Les plus extrêmes doutes doivent être émis quant à l’avenir à moyen terme du Danemark. La numismatique nous le crie : ce royaume rétrécit depuis le XIXe siècle. Ajoutons que l’invasion éclair de 1940 a démontré l’impuissance militaire du vieux royaume.
La dynastie a fourni de grands monarques dans le passé mais il faudrait sans doute un nouvel Harald aux Beaux Cheveux pour la sauver. En effet, il semble irrémédiable que les monarques sans pouvoir qui subsistent se trouvent prochainement ramenés au rang des princes allemands déchus en 1918. Un élu sera fier de les exhiber aux réceptions payées par l’impôt universel mais cela n’ira pas au-delà. Nous n’en sommes pas encore là mais lorsque le processus sera engagé le Danemark sera en tête de liste. Point de guillotine : une confortable pension et un engagement à la discrétion suffiront à la bonne conscience des parlementaires. Certains pourront estimer que la Belgique est encore plus menacée mais la tension entre Flamands et Wallons y provoque la nécessité d’un arbitre. Paradoxalement, les nationalistes flamands justifient l’existence d’un roi des Belges…

Le Danemark a toujours été une puissance navale.

Revenons au Danemark pour souligner que nous ne faisons pas de projections hasardeuses car le processus est déjà engagé. En 1944 les Américains ont décidé que l’Islande allait se séparer de la Couronne danoise. Et hop ! Une énorme île volcanique en moins pour les Glücksbourg (le nom “court” de la dynastie qui règne à Copenhague)… Occupés, dans tous les sens du terme, avec les Allemands, ils n’ont pas eu d’autre choix qu’entériner, après leurs politiciens, la décision prise à Washington. Heureusement que les Américains étaient des Alliés… Il faut préciser qu’ils avaient posé un jalon en 1918, lorsque Wilson avait demandé que l’union entre l’Islande et le Danemark soit personnelle. Neutres au début des deux guerres mondiales, les Danois ont quand même vu leur territoire amputé de manière plus drastique que s’ils avaient été des collaborateurs des Allemands durant les deux défaites de ces derniers en 1918 et 1945.

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L’affaire afare

Si les Britanniques ont gardé quelques-uns de leurs cheikhs et émirs en place assez longtemps pour que ces derniers parviennent jusqu’au XXIe siècle, il n’en est pas de même des colonisateurs français. En effet les Abu Dhabi, Dubaï, Sharjah, Ajman, Umm al-Qaiwain, Ras al-Khaimah, Fujeirah, Oman, le Qatar, Bahrein, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et le Koweït se portent très bien grâce surtout à la diplomatie britannique au moment des indépendances.
Par contre, seul le royaume du Maroc a survécu au protectorat français. Appuyé sur des racines profondes, l’unique sultanat anciennement compris dans l’empire colonial français à être parvenu jusqu’à notre époque constitue une exception qui confirme la règle. L’ancienneté de l’Empire Chérifien n’est pas la seule cause de cette survie, on peut y ajouter la brièveté de l’épisode français (45 ans) et le fait que le proconsulat de Lyautey a posé les bases de relations saines entre la tentaculaire administration française et les sultans.
La décolonisation est une mécanique sans fin lorsque l’on sait que Paris gouvernait plus de 12 millions de kilomètres carrés à travers le monde il y a 80 ans encore.
Jean Martin, dans sa monumentale “aventure coloniale de la France”, nous étonne en datant le premier acte de décolonisation de 1936, lorsque le Quai d’Orsay ne frémit même pas pour empêcher l’imam du Yémen de réoccuper la presqu’île de Cheikh Saïd. Stratégiquement placé sur les plages nord de la Mer Rouge, cet établissement disputé aux Ottomans faisait le pendant de la Côte des Somalis, au Sud.

La pièce de cinq francs arbore une symbolique exotique.

Bien la peine d’avoir envoyé Henry de Monfreid y faire l’espion en 1914 : “le gouverneur de Djibouti m’y a engagé… Il reste, des fondations de l’ancien établissement français, un poste télégraphique en ruine et la ligne abandonnée dont le fer lutte contre la rouille en s’accrochant comme il peut aux quelques poteaux branlants qui restent. Sur la hauteur, une caserne turque en ruine…”
Exeunt, donc, les Français au Nord. Au Sud, ils conservent la Côte des Somalis qu’ils rebaptisent, plus justement, Territoire des Afars et des Issas en 1967. C’est plus correct, car les Afars ne sont pas des Somalis contrairement aux Issas. Mais, patatras, l’indépendance, dix ans après, sera sous contrôle somali. Aptidon devient président et, en 1999, son neveu Guelleh lui succède. Deux Issas qui mèneront une guerre féroce aux Afars. Le “triangle afar” s’étend sur environ 150 000 km2, bien au-delà de la “République de Djibouti” et donne des sanctuaires aux guérillas afares en Ethiopie. 19 chefferies structurent ce peuple dont quatre sultanats.
Depuis Napoléon III, les Français signaient des accords avec l’un d’eux plus particulièrement : celui de Tadjourah. Aussi, on peut s’étonner que la France giscardienne ait laissé choir cet allié fidèle, au mépris de la spécificité afare de surcroît.
C’est pourquoi, alors que c’est l’inoxydable Lucien Bazor qui grave les essais des monnaies destinées à la Côte des Somalis, il y aura une renaissance symbolique de la nation afare lorsque la légende est modifiée afin d’évoquer l’autre composante ethnique du territoire. Donc de 67 à 77, les Afars existent numismatiquement, mais aussi phaléristiquement puisque le sultan de Tadjourah a créé de longue date un ordre colonial dont seront friands les fonctionnaires français mutés sur les côtes de la Mer Rouge : le Nichan el-Anouar. Divisé en cinq classes… Dans sa version la plus courante, chevalier avec ruban à dominante bleu, il était coté pour l’équivalent de 120 euros en 1998. Le Nichan el-Anouar a été décerné jusqu’en 1963.

Sur les deux faces de la 20 francs de Bazor l’accent est mis sur l’essor économique du port de Djibouti avec sa grue et ses cargos, seule concession à la couleur locale : le boutre de la Mer Rouge qui domine l’avers.

Avec le sultan de Tadjourah, la République Française a oublié d’être reconnaissante comme savent le faire les Britanniques avec “leurs” émirs.
S’il n’existe pas, à notre connaissance, de monnaies de Tadjourah, puisque circulaient le thaler d’argent de Marie-Thérèse, voire les amolés de sel, la chambre de commerce de Djibouti a émis des monnaies de nécessité en 1920-21 qu’elle réutilisa en 1942. Ils restèrent en circulation jusqu’en 1950. Les monnaies récupérées, des 25 et 5 centimes en aluminium, gravées en leur temps par Thévenon, furent immergées au large. Avis aux plongeurs…

1719-2019 La monnaie française d’il y a trois siècles

En ce début du XVIIIe siècle la France est un royaume dont le roi est un enfant né en 1710. Sous le nom de Louis XV il a succédé à son arrière grand-père Louis XIV mort en 1715. Les frontières du royaume sont déjà proches de celles de la France d’aujourd’hui, à l’exception de quelques territoires au nord-est et de la Savoie. Le système monétaire national s’est construit avec pour référence la livre tournois et pour étalon une pièce d’argent valant 6 livres* ou 120 sols (ou sous). Chaque sol étant équivalent quant à lui à 12 deniers ou 3 liards.

La France au cœur de la carte de l’Europe tracée en 1719 par Guillaume de l’Isle et imprimée à Amsterdam par Covens et Mortier.

L’expérience de John Law

John Law de Lauriston.

Le début du XVIIIe siècle est l’époque de la première apparition du papier-monnaie en France lorsque John Law de Lauriston, né en Ecosse en 1671, fonde la Banque Générale qui deviendra la Banque Royale. Ses études d’économie le conduisent à considérer que la valeur d’une monnaie peut reposer sur une correspondance financière avec des revenus agricoles ou commerciaux au lieu d’être fixée uniquement par un rapport à la quantité d’une réserve d’or et d’argent. Il propose ses services dans plusieurs pays mais aucun ne retient ses offres de collaboration. Finalement, il expérimente la création du papier monnaie en France en 1715. Il crée une banque qui émet des billets garantis par les bénéfices de compagnies commerçant outre-mer et notamment avec la Chine, l’Inde, le Sénégal et la Louisiane. Si, au début, tout se passe pour le mieux, en 1720 l’instauration d’une limite de remboursement de billets contre de l’or et de l’argent entraine une perte de confiance dans la Banque de John Law et très vite ses billets de banque perdent toute valeur. L’échec de son expérience le contraint à l’exil à Venise où il meurt en 1721. La relation entre valeur de la monnaie et la seule quantité de métaux précieux qu’elle représente est rétablie et sera maintenue jusqu’à la Révolution française.

… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 104

Le secret d’Augier Delpech

Nuit du 3 novembre 1617

A Paris, le roi Louis Xlll dit “le juste” âgé de 16 ans règne depuis 5 mois sans partage après avoir évincé la régente Marie de Médicis et fait assassiner son favori, le Maréchal de France et Marquis d’Ancre, Concino Concini.
Au même moment dans un petit village du Tarn, Augier Delpech enfile son lourd manteau noir par dessus sa chemise de grosse toile et met sur sa tête un méchant bonnet en laine. Dehors, la nuit est froide et seul un croissant de lune dans un halo apporte une infime lueur dans les impénétrables ténèbres. Des milliards d’étoiles tremblotent faiblement dans un ciel profond et noir d’encre. Cécile sa femme et ses enfants se sont couchés sans tarder après complie.
Augier mouche les deux chandelles qui éclairent d’une lueur vacillante la vaste cuisine de la demeure. Il est l’heure, il est grand temps et il ouvre, plus brusquement qu’il ne l’aurait voulu, la lourde porte en bois qui dans un grincement sinistre le fait sursauter ! Il se fige, il écoute. Dans la maison silencieuse, personne ne bouge. D’un pas décidé, il longe comme une ombre la vieille grange imposante. Contre le mur une pelle est posée qu’il saisit dans ses rudes mains transies.
Dans sa gibecière, le pot en terre vernissé est bien à l’abri et bien dissimulé. Dans la nuit glaciale et profonde, il emprunte la petite sente qui le mène à quelques toises jusqu’à la route qui rejoint le village. Il la traverse, inquiet et à l’écoute du moindre bruit, du moindre mouvement et se presse un peu plus. Le puits en pierre est là tout près en bordure du champ. Cela fera un excellent et immuable repère. Il compte vingt pas depuis la source en se dirigeant plein sud. Il s’arrête, aux aguets. Seuls les bruits des animaux nocturnes troublent un peu le silence angoissant et pesant de cette nuit glacée. Augier creuse dans la terre un trou d’une cinquantaine de centimètres de profondeur et du double dans sa largeur. Ensuite il s’empare religieusement du pot en grès et le pose consciencieusement et avec d’infinies précautions au fond de la cavité.
Augier Delpech, marchand de son état, vient de recouvrir de terre le fruit de ses économies qu’il a accumulées au fil des ans. Son trésor : testons, huitièmes d’écus, quarts d’écu toutes en argent de bon aloi à l’effigie pour la plus ancienne de François 1er jusqu’à celle de Louis 13 pour la plus récente, en passant par Charles 9, Henri 3, et Henri 4. Pour compléter le dépôt, Augier a rajouté 10 monnaies en or : escudos et doublons de Philippe 2 d’Espagne, une monnaie italienne de deux doppies au portrait de Ranuccio Farnese, un écu d’or au soleil de Louis 13. En tout 300 monnaies vont attendre des jours meilleurs bien à l’abri des regards indiscrets, des envieux et des brigands.
Six mois plus tard, le sieur et bon chrétien Augier Delpech repose en terre consacrée… Sa femme et ses enfants le pleurent. C’était un bon père et un bon mari… Son seul grand défaut légendaire était son avarice maladive qui faisait tant jaser et sourire les modestes feux du bourg. Augier est mort en emportant tous ses secrets et avec lui l’endroit près du puits où dort une petite fortune…

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Retour dans la famille…

Tout à commencé le week-end de l’Assomption, le 13 août exactement. Nouvelle commune, nouvelle autorisation et nouveau terrain de jeu.

L’autorisation avec le propriétaire s’est faite dans le champ pendant qu’il ramassait ses roumbaleurs. Et comme à l’accoutumée, selon le propriétaire : « il n’y a rien dans ce champ, mais vous pouvez y aller quand même si ca vous amuse ! ».
Après avoir extrait péniblement, sous un soleil de plomb, quelques monnaies et autres trouvailles plus ou moins intéressantes, une plaque militaire a fait surface, facilement reconnaissable de par sa forme ovale et son trou d’attache à l’extrémité. L’aluminium est en bon état et ne semble pas avoir été attaqué par la nature du sol. En balayant cet objet chargé d’histoire avec mes doigts, un nom et un prénom apparaissent : CAILLOT JULES 1891… Au dos, le chiffre 46 et la ville de LAVAL apparaissent. De nouvelles recherches de descendances en perspective…

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Habitué à ce genre de trouvailles, je sais désormais que ce poilu est né en 1871, que son bureau de recrutement est LAVAL (Mayenne) et son numéro de matricule est le 46 (Voir M&D N° 78). La plaque a donc été « perdue » à seulement quelques dizaines de kilomètres du lieu où le soldat a fait sa classe !
La première idée qui me vient en tête est d’aller au cimetière du village pour consulter le monument aux morts. Après tout, rien d’étonnant à ce que le nom de ce soldat y soit inscrit. Effectivement, sur la troisième ligne de l’imposante plaque de marbre, le nom J. CAILLOT est gravé en lettres dorées.

De retour à la maison, je consulte la base des matricules militaires mise à disposition sur le site des archives départementales de la Mayenne. Rapidement un certain Caillot Jules Auguste, né le 11 juillet 1871 à Saint Sauveur de Flée (49), classe 1891, matricule 46 est trouvé. La lecture de ce document se fait toujours avec une certaine émotion. J’apprends qu’il mesurait 1,66 m, qu’il avait les yeux gris, les cheveux et sourcils châtains et un menton à fossette. Voilà pour la description physique. Pour le parcours militaire, je peux lire qu’il « participe au 102e régiment d’infanterie le 15 novembre 1892 » et « envoyé en congé le 24 septembre 1895 en attendant son passage dans la réserve. Certificat de bonne conduite accordée. Passé dans la réserve de l’armée active le 1er novembre 1895. » Il a accompli sa 1ère période d’exercice du 27 septembre au 24 octobre 1897, et sa 2e période du 3 au 30 juin 1901. « Passé dans l’armée territoriale le 1er novembre 1905. »
Jules est rappelé à l’activité par décret de mobilisation générale du 1er aout 1914. Il passera par le 30e et le 40e régiment territorial d’infanterie en mars et décembre 1915, ainsi qu’au dépôt des 27e et 32e régiments de dragons en 1917. Campagne contre l’Allemagne du 9 novembre 1914 au 20 avril 1916. Enfin, à la dernière ligne : « Libéré du service militaire le 20 décembre 1918 ». Jules Caillot a donc survécu au conflit. Le J. CAILLOT gravé sur le monument aux morts de la commune n’est donc pas le propriétaire de cette plaque. Une information datée du 4 septembre 1917, m’apprend que Jules a été détaché aux travaux agricoles dans la commune de ma trouvaille. Il est tout à fait possible d’imaginer qu’il ait perdu sa plaque à ce moment là…
Pour confirmer ses informations, je consulte le site « mémoire des hommes ». Effectivement un « CAILLOT JULES » apparait mais le deuxième prénom ainsi que le matricule ne correspondent pas. Il s’agit probablement de ce « J. CAILLOT » qui est répertorié sur le monument aux morts du village.
Maintenant une seule question me hante : si le propriétaire de la plaque a survécu à la grande guerre, a-t-il laissé une descendance ?
Pour le savoir, je dois me plonger dans son passé. Désormais je dispose de la date et du lieu de naissance de Jules Caillot. Je consulte les archives départementales du Maine-et-Loire pour retrouver éventuellement d’autres infos sur sa vie personnelle. Les registres paroissiaux et d’état civil de la commune de Saint Sauveur de Flée (son lieu de naissance) sont consultables en ligne. Au numéro « 29 » de l’année 1871 (registre 1863-1872) est mentionné la naissance de CAILLOT Jules Auguste ainsi qu’un tampon en marge indiquant son mariage le 2 décembre 1905 avec Plassay Mélanie à la mairie de Bazouges (53). Aucune date de décès n’est notifiée.
En fouillant dans les archives en ligne de la Mayenne et plus particulièrement dans celle de la commune de Bazouges, je retrouve une trace de Jules et Mélanie Caillot dans le recensement de 1911. Trois enfants y sont répertoriés également : Juliette née en 1907, Marie en 1908 et Marthe en 1911. Toutes les trois nées à Bazouges.
Les archives datant de moins de 120 ans ne sont pas consultables sur le net. Seule solution : me rendre directement en mairie de Château-Gontier (53) pour les consulter. Les archives de Bazouges y sont rattachées.

… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 92

Les créatures dans la numismatique

Chimère et créature sur un frontispice d’église.

Au Moyen-Age les croyances populaires, l’imagination des esprits et la superstition font apparaître quelques créatures étranges sous forme de monstres ou d’animaux étranges dans le monde de tous les jours qui sont en réalité des transformations du diable, faisant partie intégrante de chaque individu, du simple vilain gueux farouche, au bigot roi de France. Le monde médiéval craint le démon à un point qu’il rend fou certains individus. Plus tard l’Inquisition en fut un exemple.

Humain étrange sculpté sur un mur d’église.

Double tête diable et pape sur une médaille protestante du XVIe siècle.

A l’origine les anges déchus deviennent des démons, leur chute est mentionnée dans le livre d’Enoch que l’on date du IIe siècle avant Jésus-Christ. C’est à partir du XIe siècle dans la religion chrétienne, que le diable devient petit à petit une composante de la vie religieuse. Le personnage satanique est créé à partir des textes bibliques par des théologiens. Progressivement, les multiples personnages que le diable représente ont des prénoms attribués dont les plus connus sont : Lucifer, Belzébuth, Asmodée ou encore Sémiasas, Cocatrix, Mastéma, Astaroth, Gavial, Azazel, et bien d’autres. Le personnage maléfique est alors considéré en théologie comme le chef des esprits célestes précipités en enfer à cause de son orgueil. L’ange déchu connu sous le nom de Lucifer, croyait, grâce à sa beauté, pouvoir rivaliser avec Dieu, puis il devint donc le prince des ténèbres et son apparition en tant que personnage infernal se situe vers le début du XIe siècle. Suivi de Satan au XIIe siècle étant lui aussi un ange déchu dont le nom désigne « l’adversaire de Dieu ».

Diable ailé semant des billes dans un escalier pour faire chuter un religieux.

Au XIe siècle, on reconnait d’après des textes six variétés de démons : les terrestres, les aquatiques, les souterrains, les aériens, les infernaux et les ignés (feu). Ils sont rencontrés sous diverses formes humaines ou animales souvent déformées et terrifiantes comme le serpent, le dragon, le crocodile, la chat noir qui en sont les incarnations les plus représentatives. Sur de nombreuses cathédrales les têtes grimaçantes sont le témoignage de l’imaginatif de la vision du mâlin que les sculpteurs ont admirablement représenté par des faces cornues et grimaçantes aux longues oreilles ou encore par des reptiles sortant des bouches ou des têtes de chats.
L’époque post-médiévale représente le diable par un bouc ou parfois par un tronc d’arbre au visage d’homme affreux sans membre, ou encore vêtu de noir au visage rouge feu avec une voix cassée.
Dans toute la France, ayant perduré jusqu’à nos jours, on retrouve des légendes qu’incarnent les représentations de créatures étranges, dont certaines font encore frissonner les touristes ou les habitants des villages.
Le dragon reste l’image la plus significative du diable dont l’origine de cet animal fabuleux a suscité de la part de l’imagination des poètes une puissance physique qui représente à elle seule les facultés des autres animaux : les griffes du lion signe de royauté, les ailes de l’aigle pouvant voler très haut, la queue du serpent permettant de ramper en silence. Le jet de flamme du dragon sortant de sa gueule lui permet de brûler ce qu’il veut, et la fascination de son regard rassemble tous les éléments de la séduction.

Dragon tenant la toison d’or sur un jeton des Pays-Bas daté de 1683.

Dans l’Antiquité le dragon est consacré à la déesse Minerve pour indiquer que la véritable sagesse ne dort jamais. Puis à Bacchus pour lui exprimer les fureurs de l’ivresse. Le dragon était aussi l’objet d’un culte en Orient ; l’Antiquité grecque en fit le gardien du jardin des Hespérides afin qu’il garde, grâce à ses multiples têtes, toutes les pommes d’or, mais celui-ci fut tué par Hercule.
Les Grecs, les Romains et les Chinois l’adoptèrent pour enseigne de guerre. Le christianisme personnifia en lui les puissances du démon et le plaça ainsi dans ses légendes. Le Moyen-Age le mit dans ses féeries et la chevalerie le prit comme type symbolique du vrai courage et on le retrouve dans les blasons du temps. On connait la légende de saint Georges terrassant le dragon ; l’histoire du chevalier Gozon de l’ordre de Malte luttant contre un dragon formidable ; l’Archange saint Michel écrasant le dragon infernal étant l’ennemi du genre humain ; et quelques fois c’est la Vierge-mère aplatissant sous son pied suivant les prophéties, la tête du dragon, qui n’est autre que le serpent de la Genèse.

Dragon d’un frontispice d’église.

… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 88