Un naufrage oublié, une vieille histoire qui se raconte au coin du feu, le témoignage d’un ancien qui aurait trouvé ou vu quelque chose, le témoignage d’un plongeur… Il n’en faut pas plus pour attiser la curiosité de l’archéologue sous-marin.
La recherche en amont des plongées est aussi importante que la fouille elle-même.
Après les légendes et les rumeurs, la recherche commence. Internet, livres anciens, rapports de naufrages, archives municipales, vieilles photos, gravures anciennes, il faut recouper, croiser les informations pour se faire une idée du lieu.
C’est avec une infinie patience que l’archéologue sous-marin, au même titre que son homologue terrestre va commencer son enquête, parfois longue et semée d’embuches.
Selon les époques, les cartes sont bien différentes d’aujourd’hui ! Les rivières et leurs embouchures ont changé de taille, de forme. Les aménagements portuaires et côtiers ont modifié les côtes. Là où avant il n’y avait que rochers et falaises inaccessibles, se trouvent maintenant plages et pontons privés. Certaines zones aptes à la navigation, sont maintenant complètement envasées et d’anciens canaux commerciaux servent aujourd’hui de simples fossés de drainage. Je ne parle meme pas de certaines régions, qui depuis leur assèchement se retrouvent maintenant, à bonne distance de la mer !!!
Les rapports de naufrages sont relativement lacunaires selon les époques et parfois même inexistants, ne faisant état que d’une date et d’un lieu approximatif ; les lieux changent de nom, des villages disparaissent… (Certains ports créés par des Grecs ou à l’époque romaine, ont littéralement changé de nom et même certains spécialistes s’y perdent parfois !)
Après des heures passées la tête penchée sur ces documents, en ayant soin d’analyser chaque fait comme le ferait un enquêteur de police, une fois que tous les indices permettent de localiser un lieu précis, l’archéologue met alors en place une campagne de prospection.
Notre plongeur archéologue aidé par d’autres plongeurs souvent bénévoles, va donc s’immerger au-dessus de ce qu’il pense être le lieu d’un naufrage.
Je vais briser vos rêves : il n’existe nul navire intact après plusieurs centaines d’années passées sous l’eau ! Oubliez les épaves magnifiques de “Tintin et le secret de la licorne”.
Un navire de l’époque n’étant constitué que de bois, celui-ci aura vite fait de disparaître, ne laissant sur le fond que les objets les plus résistants, tel que les canons, la vaisselle et autres pièces métalliques ou de matière imputrescible. Parfois le fond du bateau étant enfoui dans la vase, quelques morceaux peuvent subsiter mais dans un état lamentable (à part dans l’eau douce de certains lacs ou certaines régions du monde où la température de l’eau empêche le bois de pourrir).
Une ancre ancienne est parfois un indice…
Il est fort problable aussi, que si la profondeur le permet, celui-ci ait subi une tentative de récupération par des plongeurs de l’époque ! En effet il ne faut pas croire que la récupération d’épaves date de notre époque. Déjà, en 1746, suite au naufrage d’un navire dans les eaux de Belle île, la compagnie qui avait armé le bateau fit appel à un plongeur et une cloche fut construite sur place. Plusieurs tentatives furent faites pour récupérer ce qui pouvait l’être (cordages, éléments de gréements, canons, marchandises et autres…) Si l’épave se situe dans un lieu propice aux coups de mer, elle risque d’être littéralement demembrée par plusieurs siècles de tempêtes. Ajoutez à ça, certains travaux dans le but d’élargir ou de creuser un chenal ou un port et votre épave sera définitivement perdue. Je passe sur les plongeurs amateurs qui, trouvant au fond de l’eau les restes d’un navire, prélèvent un souvenir…
Selon les régions et les secteurs, l’épave risque d’être enfouie sous plusieurs mètres de sable ou de vase. Quand celle-ci n’a pas été simplement recouverte de blocs de rochers de plusieurs tonnes pour construire une digue ou un port.
Admettons que le lieu du naufrage soit intact, loin de toutes zones d’activités destructrices, voilà notre plongeur archéologue en pleine descente dans les profondeurs pour commencer sa prospection.
Il faut savoir différencier “prospection” et “fouilles”.
Noter l’emplacement de chaques objets est important pour pouvoir
faire “un plan” de l’épave.
La prospection consiste à chercher des indices supplémentaires avant de commencer les fouilles proprement dites. Nos plongeurs arpentent le fond à la recherche d’indices, permettant d’affirmer le site du naufrage. Un reste de poterie, une vieille ancre posée sur le fond, un massif de concrétions inhabituel, un banc de sable au milieu des champs d’algues, sont autant d’indices qui permettent de trouver les restes d’un navire (il y a quelques années, une épave antique, a été retrouvée grâce à une gorgonne. En effet, cet animal ne se fixant que sur des matérieux durs, un plongeur a trouvé étrange que celle-ci pousse au milieu du sable. Après avoir degagé le pied de celle-ci il s’est aperçu qu’elle était sur une amphore). Armés de leurs sondes, nos plongeurs plantent de facon régulière celles-ci dans le substrat, afin de rechercher les objets enfouis. Guidés par le tintement de la sonde, nos plongeurs arrivent à différencier un caillou d’un artefact enfoui.
Après avoir prélevé les différents objets mis au jour, pris des photos, la remontée commence mais le travail ne fait que commencer.
… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 94