MONNAIES ET DETECTIONS

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Monnaies et Détections

Journal d’un CDD 89

Les ruines de la ferme étaient sur le sommet de la colline. Il restait des pans de murs en briques, galets et terre crue, avec un bout de toiture écroulée sur un escalier de bois, et des poutres dressées au milieu des arbustes et des ronciers qui avaient commencé à tout envahir. Dans la pente qui descendait jusqu’au ruisseau, il y avait une grande mare avec les côtés bâtis en briques foraines, à une dizaine de mètres de la ferme. Tout autour, un fouillis d’aubépines et de prunelliers, avec un chêne immense dont les racines devaient profiter de l’eau. Malgré la végétation, on apercevait de la ferraille : la mare avait du servir de poubelle quand l’élevage avait été abandonné, comme dans beaucoup de fermes.
L’autre versant de la colline descendait jusqu’à l’autoroute, à trois cents mètres environ des ruines, et on entendait le grondement sourd des voitures. La ferme avait été abandonnée justement en raison de la construction de l’autoroute qui avait pris une bonne partie des terres.
L’agriculteur qui travaillait le reste de la propriété avait montré à Axel où garer son véhicule puis comment rejoindre les ruines en suivant la clôture de l’autoroute. Il lui avait dit aussi qu’il n’était pas le premier à venir prospecter l’endroit : deux prospecteurs du village voisin étaient venus à plusieurs reprises, mais n’avaient pas reparu depuis quatre ou cinq ans.
Axel accrocha son sac à dos à un piton de fer qui dépassait d’un bout de mur, sortit le Déus, les gants, le piochon, la télécommande et le casque, et commença à prospecter.
Le terrain avait été labouré et hersé au plus près des ruines, et toute une bordure d’une dizaine de mètres laissait apparaitre des bouts de briques, de tuiles, des restes de plâtre, de béton, de vaisselle, de casseroles ou de seaux écrasés, des tiges de fer, des outils de jardin cassés…
Axel s’éloigna vite de cette zone trop polluée. Il commença par la pente côté autoroute, sillon après sillon, en allant jusqu’au grillage de l’autoroute et en remontant en se décalant vers la droite. Sur le haut de la colline, il y avait bien sûr beaucoup de ferreux, même assez loin des ruines, mais Axel eut quand même la surprise de trouver rapidement une ampoule de pèlerin en plomb : oh certes éclatée et déformée par un outil, mais on voyait très bien un écu couvrant un côté avec trois belles fleurs de lys… Puis il trouva un mystérieux plomb de scellé, très ancien vu la couleur prise par le plomb : il distingua deux épis de blé, les lettres « oches » dans un médaillon central… l’autre face était trop usée et rayée pour en tirer quelque chose. Puis il tomba sur plusieurs douilles de pistolets, assez groupées : une dizaine de douilles de 11,43 marquées « 45 auto », et une bonne trentaine de douilles de 9 mm, certaines marquées « SF82 », d’autres avec les quatre codes en croix habituels des marquages allemands.
Des maquisards devaient avoir habité la ferme et avaient tiré quelques rafales de Sten ou de Schmeisser de prise et plusieurs cartouches avec un Colt 45 de parachutage pour s’entrainer… Toutes les armes n’avaient pas été rendues à la Libération : peut-être que celles qui avaient tiré ces cartouches étaient encore enterrées ici dans quelque cache… Axel trouva aussi un petit bouton de maillechort marqué : « équipement militaire ».
Puis ce fut une petite croix de chapelet, un anneau de cuivre, et une première pièce de monnaie, en mauvais argent, malheureusement fendue et trop usée pour l’identifier : on distinguait seulement une petite couronne, et une croix avec quelques lettres, dont un « do » (peut-être de la formule habituelle sit nomen Domini benedictus ?).
Toujours une multitude de ferreux, et divers objets de cuivre : deux boucles médiévales, un ardillon, un tout petit anneau, un pelte, des pendants de décor, et une bague dont le chaton portait en creux ce qui semblait être un visage tourné à droite : peut-être une bague-sceau ?
A quelques mètres de la clôture de l’autoroute, il trouva un double tournois, puis un autre presqu’à côté. Il savait que les double tournois* sont aux prospecteurs ce que les poissons-chats sont aux pêcheurs : c’est laid, c’est bon à rien, il y en a partout, on peut même pas les rejeter, personne n’en veut, ça fait perdre du temps… leur seul intérêt, c’est leur rôle de marqueur : s’il y a du poisson-chat, c’est que l’eau n’est pas (encore) trop polluée, et il peut y avoir d’autres poissons… Pour le double tournois, c’est pareil : c’est un marqueur, juste bon à signaler l’ancienneté de fréquentation du coin et laisser espérer la trouvaille de monnaies plus raisonnables.
Axel remonta un nouveau sillon jusqu’aux ruines sans rien trouver, redescendit (deux cartouches de chasse) et trouva de nouveau un double tournois au niveau des premiers, ainsi qu’un morceau de fer à cheval. Il remonta, redescendit, et toujours dans la même zone, il sortit un beau denier de Melgueil et une pièce ou un jeton de plomb… Il pensa alors qu’un chemin devait passer justement au bas de la pente pour desservir cette ferme et peut-être d’autres sur les collines voisines. Il continua à suivre les sillons en montant et redescendant, mais en passant en Déus Fast le long de la clôture sur le tracé possible du chemin. On devait le voir depuis les voitures qui passaient sur l’autoroute car il entendit plusieurs fois des coups de klaxon : il eut même le temps alors qu’il creusait, tourné vers la clôture, de voir le chauffeur d’un gros camion-benne qui lui faisait un signe de la main en klaxonnant et en faisant un appel de phares : sûrement un prospecteur…

… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 89

 

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