L’aventure coloniale française (première partie)
L’Empire colonial français est l’ensemble des territoires d’outre-mer colonisés par la France. Commencé au XVIe siècle, il a connu une évolution très contrastée selon les époques, aussi bien par son étendue que par sa population ou sa richesse. Les possessions coloniales ont connu différents statuts et modes d’exploitation, des colonies antillaises esclavagistes du XVIIe siècle et du XVIIIe siècle à l’Algérie française, partie intégrante de la France à certaines périodes, en passant par les protectorats de Tunisie et du Maroc et les territoires sous mandat de Syrie et du Liban.
On distingue généralement deux périodes concernant les empires coloniaux français, le pivot étant la période couvrant la Révolution et l’époque napoléonienne au cours desquelles la France perdit les derniers restes de sa première aventure coloniale.
La première période de l’aventure coloniale ou premier espace colonial débute au XVIe siècle et se termine fin 1829. Ce premier espace colonial français est l’espace colonial issu des conquêtes monarchiques. Plusieurs désignations en rapport avec cet état de fait lui correspondent : premier empire colonial, empire royal, empire monarchique, empire colonial français moderne.
Le premier espace colonial, constitué à partir du XVIe siècle comprend principalement des territoires nord-américains : la Nouvelle-France et la Floride française ; quelques îles des Antilles (Martinique, Guadeloupe, Sainte-Lucie…) ; les Mascareignes (Réunion, île Maurice) et des établissements (comptoirs) en Inde et en Afrique.
Le premier empire colonial s’étendait sur 8 013 624 km².
En Inde, les Français commencent à vouloir s’implanter de façon significative grâce à la politique de Joseph François Dupleix entre 1719 et 1763. Les efforts de ce dernier sont néanmoins ruinés après la conclusion du traité de Paris en 1763.
En Amérique, la Nouvelle-France s’accroît de façon spectaculaire et comprend presque la moitié de l’Amérique du Nord. Elle forme quatre colonies dont l’Acadie, le Canada, Terre-Neuve, et la Louisiane. Après les traités d’Utrecht en 1713, elle perd l’Acadie (partie sud), la Baie-d’Hudson, et Terre-Neuve (Plaisance). Cependant, elle forme deux nouvelles colonies : l’Isle Royale et l’Isle Saint-Jean.
La Guerre de Sept Ans (1756-1763) marque le début d’une longue rivalité avec les Britanniques pour la possession des territoires coloniaux et met un frein aux ambitions coloniales de la France. Cela se solde par la perte de la majorité des territoires nord-américains et en Inde à l’exception de quelques comptoirs. En effet, tout s’écroule au traité de Paris en 1763, après la Guerre de Sept Ans, où la France perd le Canada, l’Acadie, l’Isle Royale, l’Isle Saint-Jean, la partie Est du Mississippi, qui faisait partie de la Louisiane, et la partie Ouest du Mississippi qui revient à l’Espagne en compensation de la perte de la Floride et cela aux dépens des Anglais.
L’Empire colonial survit malgré tout et connaît une certaine prospérité grâce aux exportations antillaises de café et surtout de sucre venant de Saint-Domingue, de la Martinique et de la Guadeloupe entre 1763 et la fin des années 1780.
Il s’effondre brutalement vers 1790 avant de disparaître presque entièrement durant l’époque du Premier Empire de Napoléon Ier.
En 1800, la France reprend la Louisiane occidentale à condition de ne pas la vendre ni à l’Angleterre ni aux Américains, ce que Napoléon fera trois ans plus tard, en 1803, sans l’appui ou l’approbation de l’Assemblée Nationale. L’Amérique du Nord devient alors en majorité anglophone.
En 1804, les Français perdent le dernier fleuron de leur premier empire colonial : la colonie de Saint-Domingue proclame son indépendance et devient la République d’Haïti.
Après la chute de Napoléon Ier en 1815, la France ne conserve que quelques possessions : les cinq comptoirs des établissements français de l’Inde, la Réunion, l’île de Gorée au Sénégal, quelques îles des Antilles (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin…), ainsi que la Guyane, l’île de Clipperton et Saint-Pierre-et-Miquelon et les Terres australes et antarctiques françaises.
La deuxième période de l’aventure coloniale ou deuxième espace colonial débute en 1830 avec le début de la campagne d’Algérie.
Plus limitée et surveillée en Europe après la défaite napoléonienne, la France se lance dans la conquête de l’Afrique avec la campagne d’Algérie (1830-1847) en Afrique du Nord (Maghreb).
Un décret impérial du 2 juin 1848 crée les départements français d’Algérie.
Les Français étendront leurs possessions en Afrique du Nord avec la Tunisie en 1881 et avec le Maroc en 1912.
La France colonise aussi la majeure partie de l’Afrique occidentale et équatoriale (régions acquises à partir des anciens comptoirs) et l’Indochine (Cochinchine, Cambodge), ainsi que de nombreuses îles d’Océanie (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Nouvelles-Hébrides).
La politique coloniale du Second Empire porte l’empreinte de Napoléon III et de son ministre de la Marine et des Colonies, Chasseloup-Laubat. Ce dernier entreprend une modernisation de la marine de guerre (cuirassés à hélices) qui doit permettre d’améliorer la capacité d’intervention des troupes coloniales. La superficie du domaine colonial triple sous le Second Empire jusqu’à atteindre un million de km² pour cinq millions d’habitants.
L’annexion définitive de la Nouvelle-Calédonie en 1853 constitue la première action coloniale de l’Empereur.
En Afrique, Napoléon III nomme Faidherbe au poste de gouverneur du Sénégal.
S’ensuivent la fondation du port de Dakar et la création du corps des tirailleurs sénégalais.
L’implantation du comptoir des Rivières du Sud en 1859, puis l’acquisition de la côte du Gabon en 1862 sont les principales étapes de la pénétration française en Afrique de l’Ouest.
En Afrique de l’Est, Napoléon III signe en 1862 un traité de commerce avec Madagascar où s’installe un consulat de France. La politique impériale vise principalement de ce côté de l’Afrique à contrer l’influence britannique. La même année, la France obtient d’un chef local la cession du petit territoire d’Obock sur la côte nord du golfe de Tadjourah, mais elle n’y procède à aucune occupation effective pendant vingt ans, se contentant de réaffirmer sa souveraineté de loin en loin en faisant hisser les couleurs nationales par l’équipage d’un bâtiment naval de passage.
Au Maghreb, il renforce la présence des conseillers militaires français dans l’armée du bey de Tunis.
Ce second espace colonial atteint son apogée après la Première Guerre mondiale, lorsque la France reçoit de la Société des Nations (SDN) un mandat sur la Syrie et le Liban.
Il est au cours de la seconde moitié du XIXe et au XXe siècle le deuxième plus vaste empire colonial du monde, derrière l’empire colonial britannique. Présent sur tous les continents, il s’étend à son apogée, de 1919 à 1939, sur 12 347 000 km2.
En incluant la France métropolitaine, les terres sous souveraineté française atteignaient ainsi la superficie de 12 898 000 km2, soit près de 1/10e de la surface de la Terre, abritant une population de 110 millions d’habitants à la veille de la Seconde Guerre mondiale, soit 5 % de la population mondiale à l’époque.
Aujourd’hui, les restes de ce large empire colonial constituent la France d’outre-mer (ou “DOM-TOM”), soit une douzaine de territoires insulaires dans l’Atlantique, les Antilles, l’océan Indien, le Pacifique Sud, au large de l’Antarctique, ainsi que la Guyane sur la côte nord de l’Amérique du Sud, pour une superficie émergée totale de 119 394 km2, soit à peine 1 % de la superficie de l’empire colonial à son apogée entre les deux guerres mondiales. D’une faible superficie émergée, ces DOM-TOM permettent toutefois à la France de revendiquer la 2e plus grande zone économique exclusive (ZEE) au monde, couvrant 11 035 000 km2 d’océans, juste derrière celle des États-Unis. Dans ces territoires, en 2013, vivaient 2 691 000 personnes jouissant d’une représentation politique au niveau national, ainsi que de divers degrés d’autonomie.
… La suite de l’article dans Monnaies & Détections n° 91