Dans le numéro 64 de Monnaies & Détections de juin-juillet 2012, page 54, un détectoriste soumettait à la sagacité des lecteurs sa superbe trouvaille : une chevalière armoriée en or.
Découverte dans un chemin forestier du Maine-et-Loire sans plus de précision, l’inventeur avait émis l’hypothèse que cette bague fut en rapport avec la terrible « Guerre de Vendée » qui secoua l’ouest de la France entre 1794 et 1796, le lieu de la découverte ayant apparemment été le théâtre d’un massacre en 1794. La relative petite taille (non précisée) et le poids de 10 à 15 grammes de l’objet, avait également enclin le détectoriste à penser que le bijoux appartenait à une femme. Enfin le style de la gravure lui avait fait estimer la datation avant la fin du XVIIIe siècle.
Pour ma part il me semble que la chevalière date tout au plus de la seconde moitié du XIXe siècle. Le style d’une gravure n’est pas un indice très probant, mais on observe là une gravure qui apparaît relativement moderne. L’absence de poinçon ne permet pas de donner d’indice pour dater un objet en métal précieux. De plus, la forme de l’anneau et de l’écu gravé sur le plateau tendent à faire penser que cette chevalière était destinée à un homme. La présence d’une couronne comtale surmontant l’écu pose également question. Sa petite taille est peut être due au fait qu’elle était portée à l’auriculaire, comme c’est la tradition pour les cadets, les aînés la portant à l’annulaire de la main gauche.
L’étude des armoiries gravées permet de les décrire comme ceci : écartelé, aux 1 et 4 d’azur au château à deux tourelles d’or girouettées, maçonnées et ajourées de sable, aux 2 et 3 d’or à trois œillets de gueules tigés et feuillés de sinople, au chef d’azur chargé de trois étoiles d’argent. La composition étant relativement particulière, elle m’a permis de retrouver la famille correspondante : Thoinnet de La Turmelière.
La famille Thoinnet de La Turmelière semble être un ramage de la maison noble Thoinnet, qui trouve son origine en Bretagne dès le XVe siècle dans l’évéché de Saint-Malo. Cette famille a formé ensuite deux branches distinctes qui se sont établies pour l’une d’entre-elles dans la région du Forez et du Lyonnais, et pour l’autre dans la région d’Ancenis (Loire-Atlantique). C’est cette dernière qui intéresse notre propos.
C’est Pierre Thoinnet (1714-1788), conseiller, secrétaire du roi et maire électif d’Ancenis, qui acheta la seigneurie de la Turmelière en 1772, et ajouta par la suite le nom de son domaine à son patronyme. Marié deux fois, il eut une nombreuse descendance puisqu’on ne lui compte pas moins de dix-neuf enfants ! Parmi cette nombreuse descendance, cinq de ses fils engendrèrent eux aussi. Mais la période révolutionnaire qu’a connu la France s’accommodait mal de l’aristocratie de l’Ancien Régime, et des cinq fils, quatre moururent en 1794 à Nantes des suites de leur engagement contre-révolutionnaire : Pierre-Guilaume (1743-1794), capitaine de la milice bourgeoise d’Ancenis, mourut de l’épidémie de typhus à l’hôpital de Nantes ; René-Jean (1752-1794), mourut dans les geôles du Bouffay à Nantes ; Nicolas-Dominique (1752-1794) quant à lui, périt sur l’échafaud place du Bouffay ; et Eutrope (1756-1794), mourut également du typhus alors qu’il était interné à l’hospice de la Réunion de Nantes.
Outre ces quatre frères qui périrent tragiquement, évoquons Pierre-François Thoinnet de La Turmelière (1773-1794), fils de Pierre-Guillaume cité précédemment. Car lui qui s’était engagé comme son père au sein de l’armée catholique et royale du Bas-Poitou et du pays de Retz sous les ordre du général de Charette, fut pris à Liré (Maine-et-Loire) et amené à Ancenis (Loire-Atlantique) pour dit-on, être fusillé à la porte de son hôtel avec son cousin. …
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